Histoire du Caodaisme. Bouddhisme rénové - spiritisme annamite -
religion nouvelle en Eurasie. ( Les documents présentés ici ont été écrits ou
rassemblés par M. Gabriel GOBRON, entre 1937 et 1939 )
INTRODUCTION
LE CAODAISME
Le mot Caodaïsme vient de Cao-Dài dont la traduction littérale correspond à
: Palais Suprême. Ce double terme se trouve dans les plus antiques prières
bouddhiques. Ceci situe la principale origine de cette religion qui est d'abord,
nous le verrons, celle du Bouddhisme rénové.
Religion nouvelle ( son message essentiel date de 1926 ), elle plonge ses
racines aux traditions les plus éprouvées du Bouddhisme et aux révélations les
plus pures.
Le Caodaïsme est, jusqu'à un certain point, comparable à ce que le
Protestantisme était, à son origine, vis-à-vis du Catholicisme romain. Du
reste, même cette possibilité de comparaison est déjà dépassée dans le sens
bénéfique, c'est-à-dire dans le sens de la bonne entente, comme il est maintenant
permis d'envisager pour un avenir plus ou moins lointain l'union des Église
chrétiennes dans une totale unité catholique.
Ce qui caractérise le Caodaïsme, c'est son esprit de synthèse. C'est
pourquoi son rôle conciliateur peut rendre de grands services à la paix
religieuse, donc à la paix tout simplement.
Il n'y a pas de sectarisme dans le Caodaïsme, aussi au lieu de tendre à
l'opposition des religions entre elles, cette religion nouvelle constitue et
constituera de plus en plus une invite permanence à la bonne entente entre les
diverses obédiences religieuses, mystiques, philosophiques ou ésotériques.
Bonne entente de toutes les forces spirituelles qui doit donner au monde
une meilleure harmonie sur tous les plans.
Notre regretté ami, Gabriel Gobron, voulait montrer la beauté, les
réalités, l'efficacité de la religion caodaïste tout en exposant l'histoire et
la pratique.
Gabriel Gobron, né à Bayonville le 5 juillet 1895, a quitté son enveloppe charnelle et de
souffrance le 8 juillet 1941 à Rethel.
Polyglotte émérite, chercheur infatigable dans le monde de l'Esprit et des
esprits, romancier, historien, journaliste, professeur, Gabriel Gobron fut un
curieux et aussi un curieux homme. Grand c÷ur, par sa générosité intellectuelle
débordante, il fut polémiste ardent.
Curieux certes, mais sans dilettantisme quand il pensait avoir découvert
une beauté spirituelle, une vérité philosophique ou religieuse, il voulait
aussitôt la faire connaître, la faire partager. Il n'hésitait pas à combatte,
toujours avec fougue, ceux qui, à ses yeux, voulaient mettre la lumière sous le
boisseau. C'est ainsi qu'il découvrit le Caodaïsme, c'est ainsi qu'il combattit
jusqu'à son dernier souffle, en priant pour son épanouissement. Gabriel Gobron,
grande intelligence, fut surtout un grand cœur
Après la période de recherches, d'études et de découvertes dès 1930,
Gabriel Godron fut un propagateur convaincu, un initiateur éclairé et bientôt,
officiellement accrédité du Caodaïsme en Occident et plus particulièrement en
France.
Conférences, articles, études se succédèrent et avec des textes demeurés
inédits, ils formèrent un dossier copieux dont le présent livre posthume est
une des principales parties.
C'est ainsi que le présent ouvrage constitue un authentique message de
l'Au-Delà. Ce fut pour nous une ÷uvre bien consolante de mettre au point ce
texte et, hélas ! de le réduire à deux cents pages.
Message de l'Au-Delà, cette œuvre posthume sera, nous l'espérons,
particulièrement bien accueillie par les nombreux amis spirites de l'auteur qui
a tant fait, par la plume, la parole et l'expérimentation, pour le Spiritisme.
C'est, on peut bien le dire, le Spiritisme qui mena Gabriel Gobron vers le
Caodaïsme car, ainsi que nous le verrons, cette religion, véritable Bouddhisme
rénové, eut à son origine, et conserve encore, des liens certains avec le
Spiritisme. D'où le second sous-titre dicté par Gabriel Gobron : Le Spiritisme
annamite.
Par respect pour la mémoire de l'auteur, autant que pour l'exactitude de
présentation, nous avons conservé ces deux sous-titres qui qualifient
parfaitement : Le Caodaïsme, Bouddhisme rénové et Spiritisme annamite Nous
aurions pu, pour être complet, ajouter : synthèse des religions. C'était là
empiéter sur un ouvrage que nous espérons plus tard révéler au public si on
nous donne les encouragements nécessaires. Encouragements qui sont d'un ordre
purement spirituel.
Car le Caodaïsme, né du spiritisme, rénova le Bouddhisme et s'est ensuite
épanoui dans un harmonieuse synthèse des religions. Ceci sans rien perdre de ce
qu'il y avait de meilleur dan son origine spirite, ni de sa formation
bouddhique.
Véritable théosophie, la doctrine caodaïste attirant en elle en parfaite
sélection, tout ce que les autres religions avaient de bon, de beau et,
surtout, d'essentiel soit dans la morale pratique, soit dans le rituel, soit
dans la philosophie.
La grande modestie du Frère Gago ( c'est ainsi qu'appellent Gabriel Gobron
les caodaïstes d'Indochine ) eût volontiers limité son rôle à celui
d'avocat-polémiste, propagandiste de la religion nouvelle. Ses études, ses
méditations, sa mystique lui méritèrent davantage. On peut dire aujourd'hui
qu'il est le premier philosophe et le premier historien du Caodaïsme.
Son œuvre semblait être inachevée lorsqu'il quitta la quotidienneté de la
vie pour l'Orient éternel ; avec la publication du présente livre, sa valeur
d'historien du Caodaïsme se trouve confirmée.
De l'Au-Delà, Frère Gago nous éclaire et nous protège car telle était la
volonté profonde de sa Foi.
Pieusement, écoutons-le accepter sa mission avec une humilité toute
caodaïste :
" Si nous avons accepté ce rôle ingrat de premier historien du
Caodaïsme, c'est que nos frères et amis d'Annam ont jugé dans leur indulgence
excessive que nous étions l'un des Occidentaux les mieux documentés sur les
progrès et les tribulations du bouddhisme rénové.
Une santé précaire ne favorise guère les devoirs accablants d'une telle
charge. Nous nous excusons auprès du lecteur attentif, de toutes les
imperfections de notre travail, nous lui demandons seulement, surtout, de nous
pardonner quand il nous arrivera de n'être pas " dans la ligne ",
c'est-à-dire fraternel, même envers nos adversaires et nos ennemis : C'est
qu'alors le Caodaïste aura été indigne, il ne sera pas même arrivé à la
Seigneurie de soi-même, le malade aura arraché son bonnet dans un mouvement
d'humeur et piétiné les pages les plus sublimes du Christ, du Bouddha, de
Confucius... "
Avec componction, nous avons transmis le message, il ne nous reste qu'à
nous taire pour laisser le lecteur lire, délivré de nos commentaires, le
premier livre posthume de Gabriel Gobron.
LES ORIGINES
DU SPIRITISME ANNAMITE
Le Rev. Stainton Moses fit au Mont Athos une retraite de six mois au cours
de laquelle il étudia la théologie et confronta diverses thèses
contradictoires. Excellent exercice qui ramène l'esprit, trop porté à être
doctrinaire, dogmatique, intolérant, à plus d'humilité, de sagesse, de vérité.
Il fut ensuite nommé dans un petit presbytère de l'Ile de Man où les loisirs ne
lui manquèrent pas : Nature, lecture, prière, méditation, silence et
contemplation mystiques firent de lui un orateur poignant : L'esprit Impérator
s'était saisi déjà de lui et entendait ne plus le lâcher, pas plus que son
démon ne lâcha Socrate. Impérator mena le Rev. Stainton Moses à l'Université
d'Oxford, mais surtout fit de lui l'un des plus précieux instruments de la
" Nouvelle Révélation ", l'un des médiums les plus subliment inspirés
de notre siècle.
C'est dans la même solitude, dans le même calme, dans la même retraite
médiative, que Cao-Dài trouva son premier caodaïste. Pas de temple plus beau
que celui de la Nature, pas de livre plus divin que le grand Livre de la Vie :
Jésus se retire au Jardin de Gethsémani, au Désert même ; Saint François
d'Assise parle à la petite s÷ur la pluie, au petit frère le vent, aux étoiles
silencieuses, aux hirondelles bavardes, et il passe sa main sur le museau du
loup de Gubbio qu'il ramène chez lui comme un bon chien docile. Le naturaliste
suédois Bengt Berg arriva à faire pondre et à faire couver dans sa main
l'oiseau le plus craintif de la Laponie : Lahol
( Mon ami le pluvier, Stock ). Là où est le Saint, la terre est sainte et
la nature surnaturelle.
Le premier Caodaiste
Ce fut au début de l'année Binh-Dân ( 1926 ) que le Caodaïsme fut
définitivement fondé. Mais depuis six ans déjà, un homme adorait le Grand
Maître Cao-Dài : M. le Phu Ngô Van Chiêu, qui fut ensuite en service au 2ème
Bureau du Gouvernement de Cochinchine.
Délégué administratif, en 1919, au poste de Phu-Quôc, île située dans le
Golfe de Siam, M. Ngô Van Chiêu menait une vie de haute sagesse, conforme aux
règles rigoureuses de la Doctrine taoïste. De temps en temps, dans cette
localité isolée si propice à la vie religieuse, il s'adonnait, à l'aide de
jeunes médiums de 12 à 15 ans, à l'évocation des Esprits supérieurs ( Câu-Tiên
) de qui il recevait les instructions nécessaires à son évolution spirituelle.
Parmi les Esprits communicants, il s'en trouvait un qui se nommait Cao-Dài et
s'intéressait de façon particulière au Phu Chiêu.
Au début, ce nom souleva l'étonnement général des personnes présentes parce
qu'à leur connaissance aucun livre religieux n'en avait fait mention.
Néanmoins, le Phu Chiêu, dont la perspicacité faisait l'admiration de ses
camarades, crut y reconnaître un surnom de Dieu à cause des révélations et des
enseignements d'une haute portée philosophique qu'il en avait reçus maintes
reprises.
Ayant demandé à Cao-Dài la permission de l'adorer sous une forme tangible,
il reçut l'ordre de le représenter par un oeil symbolique.
Telle fut la conversion du premier caodaïste à la nouvelle religion qui
devait, six années plus tard, s'implanter à Sàigon. Bientôt, les fonctions
administratives du Phu Chiêu le rappelèrent à la capitale, où il conquit quelques
prosélytes à la Foi nouvelle. Mais quittons pour le moment ces premiers
convertis pour montrer aux lecteurs la manière dont le Grand Maître recruta ses
médiums.
C'était au milieu de l'année Ât-Suu ( 1925 ). Un petit groupe de
secrétaires annamites appartenant à diverses administrations à Sàigon, se
délaissaient chaque soir, en faisant du spiritisme. Ils se servaient à cet
effet de la " table frappante ". Les premiers essais furent
médiocres. Mais à force de patience et d'entraînement, ils obtinrent des résultats
positifs. Aux questions posées aux Esprits, soit en vers, soit en prose, ils
recevaient des réponses surprenantes. Leurs parents ou amis défunts se
manifestèrent pour leur parler d'affaires de famille et leur conseiller en même
temps l'abnégation. Ces révélations sensationnelles leur apprirent ainsi
l'existence d'un monde occulte.
Toutefois, un des Esprits communicants se faisait remarquer
particulièrement par son assiduité et ses enseignements d'une haute portée
morale et philosophique. Cet Esprit qui signait sous ce pseudonyme " AAA
" ne voulait pas se faire connaître, malgré les prières des assistants.
Bientôt, d'autres secrétaires annamites vinrent grossir ce petit groupe de
spirites amateurs. Les séances devinrent alors plus sérieuses et plus
régulières. Comme l'emploi de la " table frappante " n'était pas
commode, l'Esprit en question la fit remplacer par la " corbeille à bec
". Avec cet appareil qui permet l'écriture directe, les communications
devinrent naturellement plus rapides et moins fatigantes pour les
apprentis-médiums.
Le 24 décembre 1925, à l'occasion de la Noël, l'Esprit guide, qui s'était
obstiné jusque-là à garder l'anonymat, se révéla enfin aux néo-spirites comme
étant " l'Être Suprême " venant sous le nom de Cao_Dài pour enseigner
la vérité au pays d'Annam. S'exprimant en annamite, Il dit en substance :
" Réjouissez-vous de cette
fête. C'est l'anniversaire de ma venue en Europe pour enseigner ma doctrine. Je
suis très heureux de vous voir, ô disciples pleins de respect et d'amour à mon
égard ! Cette maison de l'un des médiums aura toutes mes bénédictions. Les
manifestations de ma Toute-Puissance vous inspireront encore plus de respect et
d'amour à mon égard... "
Dès lors, le Grand Maître initia ses disciples à la doctrine nouvelle.
Tel fut le recrutement des premiers médiums chargés de la réception des
messages divins.
Sur Chiêu, le premier caodaïste, la Revue caodaïste ( n° 22, mars 1933 ), à
l'occasion de sa désincarnation, nous apporte quelques détails.
I - Son enfance
Le Phu Ngô Van Chiêu vint au monde le 28 février 1878 à Binh-tây (
Cholon-ville ), dans une modeste maison située derrière la pagode dédiée à
Quan-Dê, le Turenne chinois.
A sa naissance, il refusa le sein de sa mère qui dut lui donner, à la place
du lait naturel, du bouillon de riz.
Ses parents, qui étaient fort pauvres, vinrent s'établir par la suite à
My-tho et le confièrent à sa tante, qui l'envoya à l'école. Doué d'une vive
intelligence, il ne tarda pas à se faire remarquer et à l'âge de douze ans, il
se présenta lui-même à M. l'Administrateur de la province de My-tho pour
solliciter une bourse qui lui fut accordée. Admis comme élève interne boursier,
d'abord au cycle primaire, puis au cycle complémentaire du Collège de My-tho,
il travailla avec ardeur et passa avec succès le concours de secrétaire du
Gouvernement. Pour l'époque, cet emploi envié était le couronnement des études
complémentaires franco-indigènes. Âgé alors de vingt et un ans, le jeune homme
s'en contenta, faute de pouvoir pousser plus loin ses études, et pour venir en
aide à ses parents.
II - Sa vie de fonctionnaire et sa
vocation religieuse.
Le fonctionnaire débutant fut affecté au Service de l'Immigration, à
Sàigon. Il y passa trois ans, de 1899 à 1902. Ayant un penchant naturel pour
les choses religieuses, il aimait à raconter les histoires des saints et les
aventures des immortels de la Chine antique qu'il avait entendu narrer par des
camarades chinois au temps où il était chez sa tante, mariée à un Chinois. Un
jour, un de ses amis le surprit en train de raconter une histoire de saints à
de petits élèves chinois de Cho-lon, à qui il donnait tous les soirs des leçons
particulières. Il avait pour les génies et les saints un grand respect. Chez
lui il avait dressé un autel en l'honneur de Quan-Thanh Dê-Quân. Il récitait
souvent le " Minh-Thanh-Kinh ", livre de prières dont l'Esprit de ce
grand général, doublé d'un homme de haute vertu, est l'auteur, et jeûnait deux
jours par mois.
En 1902, à l’issue d’une séance de spiritualisme que je vous ai donnée à
Thu-dau-môt, où j’étais présente, une instruction suprême se manifeste et, par
la suite, c’est révérence à la prochaine mission religieuse, l’exhortant à
sauter Dao.
Si nous consultons la Revue illustrée, qui a entrepris une série d'articles
sur les différentes manifestations religieuses de l'Inde britannique, du Siam,
de la Chine, du Japon, des Philippines, etc., nous trouvons dans le N° 2 de
mars 1933 une étude sur le Caodaïsme en Indochine. Nous lisons au sujet de ses
origines :
" De date récente ( 1929 ), le Caodaïsme a pris de l'ampleur
rapidement et s'est étendu dans toute la Cochinchine.
Origine. - Au début de 1926, quelques jeunes lettrés annamites, tous
bouddhistes, se réunirent dans un " compartiment " situé en plein
centre de Sàigon. Ils avaient l'habitude de faire " tourner " la
table et de se livrer à des expériences de spiritisme.
Or, après une période de tâtonnements, ils finirent par obtenir des
résultats " surprenants ", dirent-ils, en se servant de camarades
possédant un " fluide " puissant.
Ils furent au début en communication spirituelle avec des sages de
l'Antiquité chinoise Ly-Thai-Bach, appelé plus communément Le-Tai-PE, l'Homère
chinois, celui qui rénova les lettres sous la 13ème dynastie Tang ( 713-742 )
et fut un Taoïste fervent. "
Ainsi, une fois de plus, nous apparaît justifié notre sous titre : Le
Caodaïsme ou Spiritisme annamite.
Un témoignage français
C'est celui de M. Jean Ross, collaborateur du journal le Colon français, à
Hai-phong, qui, sur les origines du Caodaïsme, écrivit :
" 1926 ! Nous sommes au début de l'année.
Dans quelques jours, ce sera le Têt Annamite. A peu de distance des Halles
centrales, dans une artère perpendiculaire au boulevard Sàigon-Cholon, une
série de " compartiments " d'aspect modeste, habités pour la plupart
par des employés de grandes administrations ou de grosses sociétés. Dans l'un
d'eux, depuis de longs mois déjà, de jeunes secrétaires des Douanes des Travaux
publics des Chemins de fer, de la société o......o - ( et ils sont loin d'être
des plus mal notés ! ) - se retrouvent de temps à autre le soir, après l'heure
du bureau et s'amusent à faire tourner une table, à la faire parler. Ils sont
tous bouddhistes. Comment ont-ils commencé ? L'un d'eux a entendu parler de
spiritisme, de tables tournantes à son bureau, où l'un de ses chefs, d'origine
cochinchinoise, est un spirite convaincu, délégué de la plus importante société
de spirites de France. Il en a parlé à son tour à plusieurs amis, et un beau
jour, ils se sont assis quatre camarades autour d'une table.
- " On va voir si ça marche ! On va voir si c'est vrai ! " se
sont-ils mutuellement confiés. Les débuts ne furent pas toujours brillants ;
mais, petit à petit, en éliminant ceux qui ne possédaient pas de " fluide
", en les remplaçant par des camarades mieux doués, ils enregistraient des
résultats extraordinaires. Ils posaient des questions à la table qui ne
manquait pas de leur répondre. Ils demandèrent alors s'ils étaient bien en
communication avec un esprit. Il leur fut répondu affirmativement.
Cela devenait sérieux. A chaque expérience, ils demandèrent le nom de
l'esprit qui leur parlait. Le plus souvent, c'était celui d'un des Sages de
l'antiquité chinoise, Ly Thai Bach, ou bien Quan-Thanh Dê-Quân, parfois aussi
c'était celui d'un inconnu. Là, sensiblement, ce qui, au début, avait été un
amusement avec le mysticisme qui fleurit presque toujours dans l'âme annamite,
devint une conversation privilégiée avec les Esprits supérieurs du monde
occulte auxquels ils demandaient conseils.
Aucun doute n'effleurait leur esprit sur la nature même de ces
conversations, d'abord parce qu'étant tous partis du même point de départ, ils
ne pouvaient soupçonner une supercherie de la part de l'un d'entre eux, ensuite
parce que certaines communications de leur correspondant du Monde occulte
révélaient une telle élévation de sentiments, des connaissances scientifiques
ou philosophiques approfondies qu'aucun d'eux n'eût été capable d'en être
l'auteur.
Mais l'emploi de table tournante pour correspondre avec le monde occulte
était vraiment peu pratique ! Il fallait un temps infini pour obtenir la
moindre phrase !
C'est à l'époque dont je parle, c'est-à-dire peu de temps avant le Têt
annamite de 1926, qu'ils s'en ouvrirent à l'Esprit avec lequel ils correspondaient.
Il leur répondit de se servir de la corbeille.
Et comme ils lui demandaient de leur indiquer en quoi cela consistait - (
les personnes plus ou moins versées dans le spiritisme ou ayant seulement
assisté à une seule séance voient d'après cela combien ils étaient encore
novices ) - l'Esprit les engagea à s'adresser à leur compatriote, le Phu Chiêu,
très versé en spiritisme, car il lui serait trop difficile à lui, de leur faire
comprendre, au moyen d'une table, de quoi il s'agissait.
Du même coup, le Caodaïsme allait naître, ou plutôt allait entrer dans sa
phase actuelle de popularité ; car, depuis de longues années déjà, comme on va
le voir, un homme adorait Cao-Dài.
Cet homme qui suivait la sainte doctrine du Bouddha Gautama, n'était autre
que le Phu Chiêu. En dehors de la morale du Bouddha et celle de Confucius qu'il
vénérait comme des émanations divines, il croyait à l'existence d'un Être
Suprême, Tout-puissant, Maître Souverain de l'Univers, qu'il appelait Cao-Dài.
Il croyait aussi aux Esprits avec lesquels il se disait en relation depuis de
nombreuses années. La dignité de vie de ce premier caodaïste, vers lequel
étaient envoyés nos jeunes gens, était exemplaire. Ses compatriotes, à
l'unanimité, le considéraient comme un très saint homme. Il enseigna aux
secrétaires l'usage de la corbeille à bec, sur laquelle je reviendrai plus
loin, ce qui facilita grandement leurs séances de spiritisme. Il y participa
lui-même, heureux de disposer de médiums particulièrement doués, exercés,
possédant un fluide extraordinairement puissant.
Après être entrés en relation avec le Phu Chiêu, c'est dans les même
conditions sur les invitations du même esprit, qu'ils s'en allèrent trouver
chez lui un autre de leurs compatriotes, ancien mandarin cochinchinois, membre
du conseil de Gouvernement, Lê Van Trung, qui se livrait aussi, de temps à
autre, à des séances de spiritisme; Lê Van Trung dont ils ignoraient le nom,
avant que l'esprit ne le leur eût indiqué, n'avaient pas toujours mené, lui,
une vie d'une sagesse exemplaire, il avait, au contraire, jouit de l'existence
autant qu'il est possible de le faire au point qu'à l'heure où nos jeunes gens
furent délégués vers lui pour recevoir son enseignement il avait en ripailles
dilapidé la quasi totalité de sa fortune.
Salut, passons les cinquante, Lê Van Trung, qui passa à vos esprits
amateurs comme un survol de louis vuitton bass, considéré comme un survol du
Suprême Pensez-vous qu’il a été endommagé par le Phu Quêil Parler de longue
date, pour dire leur voie aux jeunes spirites. Depuis ce jour, la résurrection
de l'époux, il était également un bon exemple et il était digne de la mission
pour laquelle il avait été destiné à Cao-Dài. En fait, il cesse soudainement
d'utiliser l'opium sans incommodé le moins du monde (les orgueilleux, disaient
les Caodaïstes, combinent l'hexadécimal du Suprême, car un autre peut aussi se
désintoxiquer facilement) , il s '
Cette conversion miraculeuse attira à lui un premier lot d'adeptes en
général issus de familles aisées ou remplissant des fonctions administratives
d'un rang assez élevé, notamment le Phu-Tirong, en service dans la province de
Cho-lon, qui était, comme son collègue Chiêu, un homme d'une moralité
supérieure, pratiquant en toutes occasions la vertu de l'humanité chère à Confucius,
le doc-phu Lê Ba Trang, le huyên honoraire Nguyen Ngoc Tho et sa compagne
ex-Madame Monnier, Cochinchinoise très riche, employant depuis de longues
années une partie de ses revenus à des œuvres de bien faisance et de charité.
Le Phu Chiêu, qui avait tout d'abord été désigné pour remplir les fonctions
de chef suprême de la religion, de pape du Caodaïsme, tint à rester à l'écart
et fut remplacé par Lê Van Trung.
Comme je demandais à l'un des principaux dignitaires les raisons de
l'attitude de Chiêu, il me fut répondu qu'il avait été le premier Caodaïste de
Cochinchine, qu'il aurait dû normalement remplir les fonctions de chef suprême
de cette religion, mais qu'il s'était montré une épreuve que Dieu lui avait
assignée comme il en impose à tous les êtres supérieurs ayant de les élever,
d'un degré, sur l'échelle dont le sommet est la perfection et qu'il était, de
ce fait, obligé de racheter la faiblesse dont il avait fait preuve avant de
reprendre la place à laquelle son passé semblait lui donner droit. "
Le Pape du Caodaïsme
La conversion de M. Lê Van Trung, qui devait devenir Pape du Caodaïsme, fut
l'un des grands événements en Indochine :
Également élevé en 1925, M . Lê Van Trung habitait Cholon-ville. Adonné à
diverses entreprises, sur le tumulte de ce bon d'achat et culte de l'argent, il
eut l'esprit complètement éloigné de la religion. Un son, à l'invitation d'un
de leurs parents, est un esprit convaincant appartenant à une secte religieuse
appelée "Minh-Ly" (1) à Saigon, il s'est rendu à une séance de taille
moyenne qu'il avait laissée dans une banlieue. Cho-gao.
A cette réunion, ce fut l'Esprit Ly Thai Bach qui se manifesta. Prenant à
part M. Trung, Il lui révéla son origine spirituelle et lui annonça en même
temps sa prochaine mission religieuse. Il exhorta alors à se soumettre aussitôt
au régime imposé par la foi nouvelle. Touché par la grâce, M. Trung changea
sans hésiter de vie. Soutenu par sa foi, il eut le courage de cesser aussitôt
de fumer l'opium et de suivre le régime végétarien ; il abandonna également ses
entreprises pour pouvoir se consacrer entièrement à la religion.
La conversion de cet homme, hier encore si attaché aux biens et aux
jouissances de la vie, est si frappante qu'on peut se demander si les séances
spirites organisées jusque-là à Cho-gao n'avaient pas été inspirées par des
Esprits missionnaires dans l'unique but de ramener M. Lê Van Trung dans la voie
de la Loi. En effet, lorsque celui-ci eut pris la résolution de vivre selon la
foi nouvelle qu'il avait embrassée, ils ordonnèrent la dispersion du groupe
spirite, au grand étonnement et à la profonde affliction de ses membres.
A Saigon, le Grand Maître, jugeant le moment venu, rapprocha ses médiums de
M. Lê Van Trung. Il envoya alors deux de ceux-ci ( MM. Cu et Tac ) chez le nouveau
converti, avec ordre d'y organiser une séance au cours de laquelle, il lui
donnerait des instructions.
M. Trung, qui ne connaissait pas les médiums, accepte de proposer sa
première suggestion de lire les motifs de son mandat.
Prenez un répondeur téléphonique. Le Grand Maître, entre autres
enseignements, fait une déclaration à M. Trung, sa grande mission prochaine,
dans la nouvelle religion qui va faire disparaître l’humanité.
Cette révélation confirmait les allusions des divers messages spirites que
M. Trung avait reçus à Cho-gao avec d'autres médiums. Elle fortifia sa
conviction et l'encouragea à se consacrer sans réserve aux pratiques
religieuses.
Quelque temps après, le Grand Maître envoya MM. Trung, Cu et Tac auprès du
phu Chiêu, qui devait les guider dans la voie religieuse en qualité de frère
aîné. Celui-ci qui, de son côté, en avait été instruit par le Grand Maître,
leur fit le plus cordial accueil. Il les mit immédiatement en contact avec ses
premiers coreligionnaires. Le noyau caodaïste fut ainsi formé qui comprenait
une douzaine de membres, tous de culture française et employés, pour la
plupart, dans diverses administrations à Saigon.
La ferveur et le désintéressement de ces pionniers de la première heure
attirèrent bientôt à eux un nombre d'adhérents de plus en plus élevé. La
religion caodaïste sortit alors de son cercle restreint pour se répandre dans
le peuple au début de l'an Binh-Dan ( 1926 ).
M. le phu Chiêu, habitué à la solitude, fut contrarié par l'affluence des
adeptes, qui l'inquiéta. Fonctionnaire conscient de ses devoirs, il prit la
résolution de se tenir désormais à l'écart de ce grand mouvement religieux. M.
Lê Van Trung fut alors désigné par le Grand Maître pour le remplacer ver fin
avril.
Les premiers oratoires.
Les séances spirites continuèrent de plus en plus nombreuses chez des
particuliers, et principalement dans les oratoires organisés, dans chacun des
centres suivants : Cholon-ville, Cân-giuôc, Lôc-giang, Tân-dinh, Thu-duc et
Câu-kho. Deux médiums furent affectés à chaque oratoire pour recevoir les
enseignements du Grand Maître. L'admission des nouveaux adeptes y fut également
décidée. Les adhésions vinrent en masse ; elles s'élevèrent même à plusieurs
centaines d'inscriptions nouvelles à chaque séance.
La déclaration officielle du
Caodaïsme
La nouvelle religion prit très rapidement de l'extension, tant elle fut
reçue avec enthousiasme, surtout par le peuple. Soucieux d'agir au grand jour
et de se tenir dans les limites de la plus stricte légalité, ses dirigeants
firent une déclaration officielle signée de 28 personnes, qu'ils adressèrent à
la date du 7 octobre 1926 à M. le Gouverneur de la Cochinchine. A cette
déclaration fut jointe aussi une liste d'adeptes comportant les signatures des
247 adeptes présents à la cérémonie ayant consacré l'existence officielle du
Caodaïsme.
La propagande.
Après avoir fait cette déclaration, à laquelle le Gouvernement local avait
reversé un accueil courtois, les dirigeants de la " Grande Voie "
organisèrent des missions de propagande dans l'intérieur.
Celles-ci étaient au nombre de trois, dont une pour les Provinces de l'Est,
une pour celles du Centre et une pour celles de l'Ouest.
En moins de deux mois, plus de 20 000 personnes, parmi lesquelles de
nombreuses notabilités indigènes, se convertirent à la nouvelle religion. Ce
fut grâce au spiritisme, et surtout à l'infinie bonté de Dieu, qui se manifesta
toujours à chaque prière invocatoire et dont les messages eurent une influence
décisive sur les assistants, que le Caodaïsme doit ces conversions en masse.
Ce grand succès est dû également à la forme du nouveau culte, lequel n'a
rien de contraire à ceux des principales religions pratiquées dans le pays.
La fête de l'avènement du
Caodaïsme.
Dès le 10ème jour du 10ème mois ( 14 -11-26 ), les tournées de propagande
furent interrompues. Tous les efforts des dirigeants furent concentrés sur la
fête de l'avènement du Caodaïsme. Celle-ci eut lieu les 14, 15 et 16 du 10ème
mois de l'année Binh-Dân ( 18, 19 et 20 novembre 1926 ) dans la pagode Tu-Lâm-Tu,
située à Go-ken ( Tây-ninh ). Le Gouverneur Général de l'Indochine, ainsi que
le Gouverneur de la Cochinchine et les grands fonctionnaires européens et
indigènes y furent invités.
Célébrée avec solennité, cette fête réunit un nombre considérable d'adeptes
accourus de toutes les Provinces de la Cochinchine. Elle attira également des
milliers de profanes venus en curieux aussi bien qu'en observateurs. La
présence de M. le Capitaine Monet, un grand spirite français, y fut également
remarquée.
Ce fut pendant cette fête que le Sacerdoce Caodaïste fut institué et que le
nouveau Code religieux fut établi et promulgué.
Le siège définitif du Caodaïsme.
Le Tu-Lâm-Tu est une pagode bouddhiste nouvellement construite par le
hoà-thuong Giac hai de Cho-gao ( Cho-lon ), qui l'avait affectée à la nouvelle
religion à laquelle il avait été converti. Mais après la fête, les fidèles
bouddhistes qui avaient fourni les fonds pour l'édification de ce temple et qui
n'avaient pas été consultés sur sa désaffectation, réclamèrent son retour à sa
destination primitive.
D'autre part, l'expérience avait démontré que cette pagode était trop
petite et que le terrain sur lequel elle est bâtie était trop exigu pour
permettre d'installer convenablement le Siège de la nouvelle religion
naissante, appelée à un grand avenir.
Sur les indications d'un Esprit supérieur, le terrain sur lequel se trouve
actuellement le temple provisoire, fut donc choisi et acheté pour y fixer
définitivement le Saint-Siège Caodaïque. Situé au village de Long-thành,
province de Tây-ninh, il est assez vaste ( 100 ha . environ ) pour répondre aux besoins actuels
et futurs.
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